Emilio Elias Serrano Justo dit « Emilio de Justo » est né le 16 février 1983 à Caceres d’une famille non taurine. Attiré depuis son plus jeune âge, Emilio a choisi de suivre ses envies et de devenir torero. Novillero important, il prend l’alternative en 2007 après 4 années de novilleros. Quasi inconnu des aficionados français, l’extremeño s’est révélé l’an dernier, un 24 juillet 2016 dans les arènes béarnaises d’Orthez face à un lot sérieux de Hoyo de La Gitana. La suite, on la connait, Emilio enchaîne succès après succès terminant la temporada 2017 avec un total de 8 corridas pour 13 oreilles. Des oreilles mais surtout des triomphes important comme à Vic-Fezensac devant des toros de Palha ou bien Mont de Marsan, Dax et Illescas face à des toros de Victorino Martin.
Mundillo Taurino vous propose de venir à la rencontre d’Emilio de Justo qui s’est livré à nous en toute transparence sur lui et ses ambitions futures.
Mundillo Taurino : Bonjour Emilio, pouvez-vous nous dire d’où vient cette passion pour la tauromachie ?
Emilio de Justo : Je n’ai pas de famille taurine, ni aficionados ni professionnels. C’est une chose qui est à l’intérieur de moi depuis enfant. Je vis dans une zone ganadera où il y a beaucoup de ganaderias, une région très taurine (Caceres). Depuis enfant, le toreo me passionne et quand j’ai eu 15/16 ans, j’ai décidé de tenter l’aventure. Je me suis habillé de lumière pour la première fois à 17 ans.
Pouvez-vous revenir sur votre carrière de novillero, une partie de votre vie taurine où vous n'avez pas beaucoup toréer en France...
J’ai débuté en novillada piquée en 2002. J’ai connu 5 temporadas de novillero. Les trois premières années, j’ai très peu toréé mais les deux dernières ont été plus importantes. En 2005 et 2006, j’ai participé à une vingtaine de novilladas chaque année. J’étais présent dans la majorité des grandes férias de novilladas comme Algesemi, Arnedo, Agranda ou dans des arènes importantes comme Madrid, Sevilla, Barcelona ou Valencia. Les deux dernières années ont été importantes avant de prendre l’alternative en 2007. J’ai torée seulement une seule fois de novillero en France, en 2006 à Garlin. Ce jour-là on ne peut pas dire que les choses se soient bien passées mais elles ne se sont pas non plus mal passées : une tarde normale. (Garlin 2006, novillos de El Retamar pour Mehdi Savalli, Joselito Adame et Emilio de Justo N.D.L.R).
Avec un cartel d’alternative que l’on peut qualifier de luxe, vous aviez beaucoup d’espoir non ?
Mes deux dernières années de novillero ont été importantes et m’ont permis d’arriver prêt le jour de l’alternative. C’était un très bon cartel parce qu’Alejandro Talavante venait de triompher à Madrid et Séville alors que Cayetano était une nouveauté. Ce jour-là, je coupe les 2 oreilles un toro de Jandilla et je sors par la grande porte. C’est une après-midi dont je me rappellerais toujours parce que c’est celle de l’alternative, l’un des jours que j’attendais le plus.
Comment se sont passées les années après l’alternative?
En 2008, je confirme mon alternative à Madrid avec une corrida de Juan Luis Fraile. En 2009, je suis revenu à Madrid pour la San Isidro où j’ai coupé une oreille à un toro de Martelilla mais ensuite, j’ai très peu toréé. Je suis une nouvelle fois revenu à Madrid en 2010 face à des toros de Los Bayones mais les choses se sont passées à l’inverse de l’année d’avant. Cette corrida m’a laissé complètement arrêté jusqu’à pratiquement l’année dernière quand j’ai débuté en France. A partir de là, les portes ont commencé à s’ouvrir et mon nom à retentir à nouveau.
Quand on voit vos résultats de ces dernières années, 2014/2015, vous ne toréiez pas beaucoup mais à chaque fois il se passait quelque chose : un triomphe.
Oui, je toréais peu, seulement dans ma région, Caceres, des corridas que montaient des amis empresarios. Cela m’a servi pour ne pas rester inactif. Je crois donc que ces corridas et ces triomphes m’ont au moins permis de continuer à avoir une vie taurine. Ils m’ont permis de maintenir l’espoir et le moral pour continuer à lutter.
Mais ces triomphes ne vous ont pas donné beaucoup d’opportunités?
Non car c’étaient des corridas dans des lieux qui n’avaient pas grandes répercussions. Mais comme je t’ai dit, elles m’ont permis de continuer à croire et à lutter pour ma profession. Je croyais beaucoup en moi jusqu’à ce qu’Orthez arrive en 2016.
Vous ne pensiez pas arrêter la profession ou devenir banderillero dans ces moments si difficiles pour un torero ?
Je ne pouvais pas devenir banderillero car je n’aime pas ça. J’avais donc deux options : abandonner ou continuer à me battre. Je croyais en moi, en travaillant tout est possible, mais je savais que ce serait très difficile. J’ai eu la chance de connaître Luisito fin 2015, il a parié sur moi sans savoir comment aller terminer cette histoire ou quels résultats nous pouvions obtenir. Grâce au travail, à ses conseils, à mon engagement et ma passion pour la profession, j’ai réussi à sortir de cette période difficile.
Quand vous vous êtes présenté à Orthez, face à la corrida de Hoyo de Gitana, une corrida dure, quel a été votre préparation pour cette corrida car vous n'aviez pas beaucoup toréer ?
J’avais toréé toutes les années avant, peu mais j’avais toréé. J’avais tué des corridas dures dans ma région. De ce fait, ce n’est pas arriver sans avoir toréé du tout comme d’autres toreros.Certains arrivent parfois sans avoir toréé depuis 2/3 ans. Je m’habillais de lumière tous les ans et je toréais beaucoup au campo. Je venais à Orthez rodé et préparé, avec beaucoup de défauts et de choses à améliorer certes, mais j’ai toujours gardé le contact avec le toro et la réalité du toreo. C’était un point en ma faveur. J’ai surtout fais un travail psychologique très important à Sanlucar de Barrameda avec Luisito et aussi un travail de préparation, d’entrainement, pour corriger les choses importantes en le peu de temps qu'il nous restait. A Orthez, on savait que c’était une opportunité à quitte ou double, on savait que je jouais tous ce jour là mais je suis arrivé serein, conscient que si il ne se passait rien cela pouvait être ma dernière corrida. Mais j’avais confiance en moi. C’était une corrida très dure et très exigeante de Hoyo de la Gitana. A base d’engagement et d’acharnement, j’ai réussi à triompher en coupant une oreille à chacun de mes toros. Le chemin a ensuite commencé.
Mundillo Taurino pour LUISITO : Vous aviez apodérer Pablo Aguado dans le passée, ce fut un succès. Maintenant c'est au tour d'Emilio de Justo. Pourquoi l'avoir choisi à lui ?
Luisito : Je n’ai pas choisi Emilio, c’est lui qui m’a choisi. Il m’a appelé et m’a convaincu par son envie, par son concept, par son abnégation qu’il pouvait toujours avoir une chance de s’en sortir. Avant qu’il réussisse à me convaincre, j’étais assez réticent, non pas parce que c’était Emilio, si cela aurait été Talavante cela aurait été pareil, mais parce que je n’étais pas intéressé pour apodérer quelqu’un, je l’avais fait avec Pablo Aguado, et pour moi cela me suffisait. C’est une facette du toreo dont je ne suis pas fan, j’aime le toreo mais je n’aime pas cette partie surtout les négociations. Mais Emilio a beaucoup insisté et m’a convaincu d’aller taper aux portes des empresas, à tenter quelque chose. Elles ont toutes dit non jusqu’à ce qu’Orthez accepte. A ce moment-là, on savait que c’était la dernière cartouche et qu’il ne fallait pas manquer la cible. C’est ce qu’a fait Emilio. Une fois la cible atteinte, nous avions une nouvelle raison de lutter et continuer le combat. Et est arrivé l’après-midi de Mont de Marsan. Cette après-midi-là il coupe les 2 oreilles d’un toro de Victorino. Et sans rien que soit prévu en début d’année, la France a découvert un nouveau torero avec un concept incroyablement bon, très différent de tout ce que l’on voit généralement. Les empresas ont vu qu’Emilio avait mûri, vu que nous sommes venus 2 fois en France et que nous avons triomphé par 2 fois. Les empresas ont logiquement commencé à faire confiance à Emilio. Cette année il a toréé 6 tardes en France qui se sont conclues par des triomphes ou des oreilles qui ont été les seules de l'après-midi. De ce fait, les 6 contrats d’Emilio cette année, lui ont permis de dire qu’il était un torero de Féria et qu’il fallait compter sur lui !
L’année dernière, la France a découvert Alberto Lamelas et cette année c’est Emilio de Justo, deux toreros très appréciés grâce à leur engagement et leur sincérité sur le sable des arènes. Quel est le rôle de la France dans votre carrière ?
Emilio de Justo : La France a été ce qui m’a sorti de l’oubli. Pour moi, la France est un repère, la chose la plus importante que je tiens entre mes mains au niveau taurin. Grâce à la France, mon nom a de nouveau sonné en Espagne et cela est très important pour moi.
Nous avons vu que cette année, votre plaza de Caceres vous a ouvert leurs portes avec un cartel important. Je crois que cela représente beaucoup pour vous…
Cela a été très émouvant, très beau parce que cela faisait longtemps que je n’avais pas toréé à Caceres, environ 5/6 ans ! J’ai eu l’opportunité de toréer à ma féria avec un bon cartel, Perera et Cayetano. Cela a été une belle après-midi où je me suis bien senti dans mon toreo. C’est dommage que ce jour-là je n’ai pas réussi à estoquer correctement mes toros sinon cela aurait pu être un triomphe important. Mais je crois que c’est toujours bien de revenir chez soi et que les gens reconnaissent tes efforts.
Vous avez un nouvel apoderado (Alberto Garcia, Tauromemocion). Vous etes déjà annoncé à Vista Alegre, la corrida en hommage à Victorino. Quels vont être vos objectifs pour la temporada 2018 ?
Nous avons formé une très bonne équipe équipe pour la prochaine temporada. Je suis très heureux d’avoir deux professionnels avec moi, qui vont travailler pour moi et rentabiliser mes triomphes de la plaza. Je crois que cela motive beaucoup un torero. La temporada qui se présente est très intéressante, la plus importante de ma carrière. Je vais pouvoir franchir un cap dans l’escalafon et dans mon toreo. Je vais également avoir beaucoup de responsabilité car cette année a été importante en triomphe, ici en France, et les gens vont me demander et m'exiger de plus en plus de choses. J’aurais, comme je l’ai dit, beaucoup de responsabilité mais je suis très motivé et très confiant, prêt à relever le défi.
Avec vos triomphes en France face à des ganaderias dures, vous n'avez pas la crainte que les empresas vous cataloguent comme un torero de ganaderias « toristas » ?
Je suis torero, je me considère torero. Le mot est vaste. Tu dois être capable de pouvoir démontrer tes qualités, ta façon de toréer devant tous types de ganaderias. Je n’ai aucun encaste préféré. Il y a des ganaderias que peut être, j’aime plus que d’autres mais je suis disposé à toréer n’importe quel type d’encaste et de ganaderia. De ce fait, je n’ai aucun problème, je ne vais pas me fâcher si les empresas m’appellent pour estoquer des corridas toristas, au contraire, je serais enchanté.
Vous avez une histoire avec les toros de Victorinos non? Vous aimez ce toro ?
Oui, l’histoire avec Victorino est très belle parce que je suis né à côté de sa ganaderia. Enfant, j’ai commencé pratiquement là-bas, à La Tapia, dans les tentaderos. Je rêvais qu’un jour, je pourrais triompher avec ses toros, et grâce à dieu, le rêve est en train de se réaliser un peu, car triompher dans des arènes comme Mont de Marsan, Dax ou Illescas, te donne beaucoup de confiance en tant que torero. C’est une belle histoire, et je veux qu’elle continue ainsi. J’aimerais pouvoir être un torero qui marque l’histoire et qui laisse une trace dans le toreo.
Vos qualités et votre connaissance de ces toros de Victorinos te donnent-elles un avantage par rapport aux autres toreros ?
Non car le toro de Victorino est très compliqué, c’est un toro très exigeant, des plus exigeants même. C’est une ganaderia que je connais bien, j’ai eu la chance de triompher avec ces toros mais cela reste toujours une ganaderia à quitte ou double. La préparation doit être très intensive et surtout mentale. Il faut y croire mais aussi se prépare pour tous ce qui va arriver cette année. Je risque toréer quelques corridas de Victorino Martin et ce sera toujours des rendez-vous importants.
Pour conclure, avez-vous quelques mots à adresser à l’aficion française ?
Premièrement, je voudrais remercier l’aficion française de la confiance qu’ils m’ont donné comme torero, leur dire que les triomphes de cette année de sont pas un hasard, je vais continuer avec la même envie et la même motivation pour qu’ils continuent de voir un torero meilleur à chaque fois.
Propos recueillis par Jean Dos Santos
Photos : Laurent Bernède, Emiliano Vicente, Christian Sirvins, A.Alvarez, Jean Dos Santos