Gestion d’une truanderie
Dans l’apprentissage au métier de mayoral, je suis en train de vivre une facette dont je n’avais jamais connu la teneur : la gestion d’une truanderie.
En effet, être mayoral ne consiste pas seulement avec l’aide de ses vachers (merci Chico et Javi), à selectionner les femelles les plus braves, choisir les étalons les plus racés, assembler les différentes lignées, organiser les lots de reproduction, déclarer les naissances des veaux, les attraper, les boucler, les sevrer le moment venu, les marquer au feu, …
Mouvoir les troupeaux à cheval, faire les lots de novilladas et corridas, … Nourrir le bétail, l’abreuver, le vacciner, le déparasiter, … Ne pas oublier la maintenance des chevaux (merci Jean-Christian), … reprendre des clôtures, fabriquer des barrages, réparer les abreuvoir, peindre les bâtiements, maintenir le jardins et les espaces du cortijo (merci Pedro et Dany) maçonner les murs des corrals (merci Genest, les 3G et compagnie) …
S’occuper de toutes les tracasseries administratives auprès du syndicat des éleveurs et du ministère de l’agriculture, … Gérer la trésorerie pour payer le personnel (merci Maruchi), le pienso, le gasoil, … Organiser les réceptions des groupes de touristes (merci Isabel et sa cuadrilla) qui permettent d’équilibrer l’économie de l’Exploitation et de divulguer le contenu de notre métier d’éleveur, …
J’en passe et des … bien meilleures. Car le secret est bien là, cette liste de tâches qui parait si ardue s’assume finalement en douceur grâce à la passion qui nous anime tous à Mirandilla. Par contre, gérer une truanderie qui fait fi de tout cet effort quotidien est une faena que je ne souhaite à personne de connaître et surtout à aucun mayoral!
Huit toros de quatre ans sont vendus et embarqués fin avril avec la promesse, contrat à l’appui, qu’ils seraient toréés le 27 juin à Las Rozas de Puerto Real en corrida formelle. C’était important pour moi après la corrida de Vergèze l’an dernier de voir l’évolution de la sélection au sein de la ganadería, avec la lidia d’autres taureaux de quatre ans. Et puis dans un élevage comme celui du Marquis d’Albaserrada, il n’y a pas des dizaines de lots à vendre par saison. Pour 2015 seuls ces huit animaux étaient aptes au combat en corrida.
Après diverses péripéties qui me faisaient douter de l’honnêteté de l’acheteur, je me tranquillisais un peu en voyant notre élevage annoncé officiellement sur l’affiche. Pourtant, une semaine avant la corrida, j’apprends que ce ne sont pas nos taureaux qui seront combattus ce jour-là …
A partir de là, gestion de la truanderie. Communication (vite avortée) avec l’empresario, envoi de lettres recommandées, gestion d’un cabinet juridique, négociations, menaces, proposition de récupérer NOS taureaux, (ok nous dit l’empresario magnanime, mais plus chers que ce qu’on vous les a achetés!) …
Le fond de la question juridique est de savoir si le ganadero garde une quelconque propriété sur un animal qu’il a élevé, vendu certes, mais qui continue de porter son fer et va avoir une existence artistique dans une arène.
Je ne sais pas ce qu’il va advenir de cette histoire, et publicité sera faite de cette empresa et de ses responsables le moment venu, mais elle est vraiment sordide. Que des personnages comme ceux-là bafouent le travail de près de cinq années d’un ganadero en lui achetant des PRODUITS qu’ils vont ensuite revendre comme bon leur semble, sans aucune vergogne, au plus offrant, sans se soucier un seul instant de l’intérêt de l’éleveur, me paraît être une manœuvre écœurante. Le tout prémédité …
Cette mésaventure, outre le fait de me servir de leçon (mais bon sang quel prix horrible à payer) montre encore une fois que ce mundillo est aussi habités par des individus qui ne donnent pas une image des plus dignes de notre chère Tauromachie.
Une preuve de plus que les antis sont bien à l’intérieur du système …
Par Fabrice Torrito, mayoral de la ganaderia du Marquis d’Albaserrada sur le blog :
http://lescarnetsdumayoral.blogspot.com.es/
Communiqué