Interview de Michelito

Interview du Franco-Mexcain "Michelito"

Michelito Lagravère oreilleMichel Lagravère Peniche "Michelito", matador le plus jeune de l'histoire, est revenu sur sa situation dans le monde des toros. Il dresse un bilan de la première partie de sa carrière et montre à travers ses réponses toute sa détermination pour s'imposer sur le sol européen et particulièrement en France où on a eu l'occasion de voir à plusieurs reprises.

Peux-tu te présenter en quelques mots?

Je m’appelle Michel Lagravère Peniche “Michelito”, j’ai 18 ans et je suis Matador de Toros.

Tu as commencé à toréer très jeune, à 10 ans en public, tu n’as pas le sentiment d’être passé à côté de ton adolescence ?

JMichelito lagravere corella 5’ai vécu une adolescence différente des enfants normaux mais j’en ai beaucoup profité. J’ai commencé à toréer à 9/10 ans. Etre torero c’est laisser de côté beaucoup de choses. Je crois que ça vaut la peine parce j’ai accompli mes rêves qui est d’être aujourd’hui matador de toros et j’ai laissé un petit peu la vie normale pour être torero mais cela ne m’a pas pénalisé dans mon adolescence

Que pensent tes amis de cette situation?

Pour certains c’est rare, c’est vrai que ce n’est pas normal pour eux de voir un torero si jeune mais moi je joins le toro et l’amitié, quand je suis avec mes amis, je parle de football, d’autres choses que le toro. J’ai seulement 2 ou 3 amis taurins qui viennent aux corridas avec moi et l'un est actuellement mon valet d’épée. Mais le reste, nous séparons ce qui est du toro et de l’amitié puisque certains n’aiment pas ça. La plupart sont surpris de voir un torero si jeune.

Michelito lagravere corella 4Le fait que Michel Lagravère soit ton père change-t-il quelque chose sur ta trajectoire en France et en général?

Oui, ça influe forcément. Grâce à mon père, j’ai connu beaucoup de personnes en France et il a beaucoup d’amis ganaderos, d’amis toreros ce qui m’a servi beaucoup pour avoir des contacts en France. Mon père est de Vic Fezansac, mon grand-père est de Vic Fezansac et je crois que ça m’a beaucoup aidé. En même temps les gens m’ont adopté comme français, moitié français, moitié mexicain et je crois que c’est très précieux pour moi que mon père est été matador de toros français.

Pourquoi ne voit-on pas Michelito en habit de lumière en France et en Europe? Seulement 4 corridas en Espagne  et 4 festivals…

J’ai essayé d’entrer quand quelques plazas mais ça reste compliqué. L’année prochaine, je vais toréer, sûr, ici en Michelito rionFrance 5 ou 6 corridas. Cette année a été très compliquée. Il y a beaucoup de toreros et peu de corridas donc peu de postes. En 2014, j’ai torée 3 corridas en France, une à Eauze, une à Chateaurenard et une autre à Arles. En 2015, seulement un festival à Mont de Marsan et cette année 3 festivals. J’attends l’année prochaine de pied ferme.

Comment peux-tu définir ton toreo ?

J’aime le toreo classique. Mais ce qui ce passe, c’est qu’il faut souvent sortir du schéma idéal, il y a des toros plus compliqués devant lesquelles on doit plus se battre comme ce matin (novillos de Jalabert à Rion des Landes) et il y a des toros comme par exemple à Samadet (novillos de Virgen Maria) qui te laissent profiter plus. Le toreo dépend donc beaucoup du toro que l’on a en face mais mon concept est le toreo classique, le toreo en demi-face. Cependant il est aujourd’hui difficile de le définir parce que le toreo s’est beaucoup modernisé. Les années passées, il était très différent de ce qu’on connaît aujourd’hui, c’est-à-dire un toreo plus spectaculaire, plus tremendista, de valeur. Moi je me base sur ça, un toreo classique, j’essaie d’être le plus pur possible mais je suis encore en train de rechercher cette perfection.  

Tu penses toréer plusieurs encastes ici en Europe? Ton père vient de Vic Fezensac, une arène torista!Michelito Samadet 2

Je crois qu’il faut toréer plusieurs encastes de toros. Indépendamment de cela, les figuras qu’étaient Manzanares, Curro Vazquez, tuaient tous types de toros. Par exemple, Manzanares à Valencia, a tué une corrida de Cuadri. Moi, je n’ai pas de problème avec ça. C’est vrai, cela demande plus de travail un toro de Miura qu'un toro de Juan Pedro mais au final le public valorise ces efforts et demain si j’arrive à avoir cette force, je tuerais un peu de chaque encaste.

Peux-tu me parler de la corrida de Corella où tu devais tuer une corrida de Miura, initialement prévu ?

C’était compliqué psychologiquement pour moi parce que je suis un torero de petite taille et j’allais affronter des toros très haut avec toute leur histoire et leur légende. Mais au final quand le toro charge, c’est la même que ce soit un Miura, un Nuñez del Cuvillo, ou un Victorino. Nous avons l’exemple d’Escribano qui fait la même chose devant un toro de Miura ou de Juan Pedro et c’est ce qu’il faut réussir à faire ! Quand je sais qu’un toro est bon, j’oublie quel fer il porte, et à la fin de cette corrida, j’ai coupé la seule oreille. La corrida ne m’a pas servi, elle n’a pas été favorable, ni défavorable mais elle ne m’a pas servi pour un triomphe important mais elle m’a servi pour moi, en expériance et pour gagner en maturité comme torero, pour avoir confiance en moi.

Tu arrives maintenant à un âge de maturité, presque 19 ans. Que te manque-t-il pour entrer dans les férias les plusMichelito Rion importantes du monde ?

Tous les toreros nous avons un chemin différent, il y a le cas de Roca Rey qui a tout fais du jour au lendemain et il y a le cas par exemple de toreros comme Urdiales ou Ureña qui ont fait les choses petit à petit, qui ont eu besoin de plus de temps. Même moi je ne sais pas ce qu’il me manque, bien sûr j’aimerais toréer dans toutes les arènes, c’est logique mais ça, le temps le dira. Je vais essayer de confirmer à Mexico, confirmer à Las Ventas et à partir de là, on verra comme se dérouleront les événements. Ce que je veux c’est toréer en France, en Espagne, en Colombie, au Pérou, au Mexique… c’est mon rêve mais comme je t’ai dit, il va falloir avancer petit à petit.

C’est plus faciles de rentrer dans les grandes férias au Mexique ou en Europe?Michelito lagravere corella 2

Plus ou moins c’est pareil parce qu’au Mexique, il y a aussi beaucoup de toreros et en plus des toreros espagnols viennent tenter leur chance. Les cartels se ressemblent beaucoup, 2 figuras et un torero émergent par exemple Zotoluco, Joselito Adame et José Garrido. C’est très compliqué pour un torero comme moi. Mais il est vrai que ça aide d’être mexicain pour rentrer dans quelques cartels. L’année dernière j’ai toréé une corrida avec Juan José Padilla à Mérida, une autre avec Enrique Ponce à León. En janvier/février j’essaierais de confirmer à La Mexico. J’essaierais aussi d’aller à Aguascalientes, Guadalajara, ce sont les plazas les plus importantes pour moi. En tant que matador de toros, je n’ai jamais été dans ces arènes.    

1 26As-tu une figura, un torero qui t’inspires en particulier?

Je ne sais pas, il y en a beaucoup. Je me fis en beaucoup. Par exemple, dans le parcours, l’amour propre, El Juli, en arte Morante, José Tomas en valeur, Ponce en technique. J’aime beaucoup Ureña et Urdiales parce qu’ils sont très classiques et capables. J’ai vu Urdiales bon devant un Victorino autant qu’un Jandilla. Dans un autre concept totalement spectaculaire et un peu fou, Andrés Roca Rey, c’est impressionnant. Mon parrain Sébastien Castella est un torero parfait techniquement avec une bonne personnalité et c’est très compliqué de toréer avec lui, c’est sérieux. Bon si je devais en garder un seul c’est Morante (rire).

Quel est ton objectif pour la temporada hivernale et pour la temporada européenne de 2017?

Cet hiver, confirmer à Mexico et j’ai 5 ou 6 corridas de signées avec le maestro Pablo Hermoso en Février/Mars. Ensuite tout va dépendre de la plaza de Mexico, si les choses se déroulent bien je vais toréer plus, s’ils ne me mettent pas au cartel, je ne sais pas si je vais toréer et si les choses ne se passent pas bien, la temporada peut devenir compliquée. Comme en Espagne, cela dépend de Las Ventas, au Mexique cela dépend de Mexico, ce sera donc une date très importante. A ce jour, d’aujourd’hui à Mars, j’ai environ entre 12 et 15 corridas de signées en Amérique entre le Mexique, le Venezuela et le Pérou.

Michelito lagravere corella 3Combien en 1ere catégorie ? Cela te permets d'espérer quelque chose non ?

J’ai 4 ou 5 corridas en première catégorie. Ces plazas, si tu triomphes, elles te donnent beaucoup mais si tu ne triomphes pas elles te coûtent aussi beaucoup. Ce seront donc des tardes importantes surtout pour moi qui commence.

Ici, on dit que les toreros qui ne toréaient pas durant l’hiver sont un peu mis à l’écart lors de la confection des cartels, c’est vrai?

Ca influe, si on ne te voit pas annoncer en Hiver, les empresas t’oublient un peu. Mais le plus compliqué, c’est pour toi comme personne, s’habiller de torero sans avoir toréer de l’hiver te demande beaucoup de travail, il y a peu de tentaderos et c’est donc très important de toréer. J’ai la chance d’avoir au Mexique quelques corridas, comme au Venezuela parce que quand je reviendrais ici, j’aurais tué au moins 20 ou 25 toros, ça aide. C’est totalement différent que de ne pas toréer : si tu ne torées pas, tu ne rêves pas, et si tu ne torées pas tu n’es pas sûr, tu n’as pas la même confiance !

Michelito lagravere corella 1Il y a une compétition entre les toreros émergents d’Amérique?

Honnêtement, je vois un peu plus Roca Rey au-dessus de Joaquin Galdos ou Luis David Adame, pas comme torero mais parce qu’il a torée plus. Ce sont les trois toreros de catégorie, avec un nom à côté de Joselito Adame qui est plus ancien mais un torero très important. Il y a beaucoup de gens qui viennent aux arènes pour voir Joselito et non pas pour beaucoup de figuras espagnoles que sont le Juli, Manzanares… A Mérida, par exemple Joselito Adame et Zotoluco remplissent les arènes et tu mets deux figuras espagnoles et les arènes ne sont pas pleines. Derrière eux, il y a aussi beaucoup de bons toreros comme El Payo, Sergio Flores, Juan Pablo Sanchez, Arturo Saldivar… et maintenant en Amérique et au Mexique il y a des toreros importants. Ce qui se passe, en Europe, un torero comme Joselito doit beaucoup travailler pour entrer dans les grandes férias européennes. Au Mexique il y a 8/9 matadors importants, très bon avec un bon concept tauromachique.

Sens-tu une différence entre l’aficion latino-américaine et européenne?1 23

Oui beaucoup, elles sont totalement différentes. Au Mexique, les fêtes, les toros sont moins sérieux, les gens viennent plus se distraire, ils sont plus photos, les amis. En Espagne, c’est un peu pareil, si tu quittes Madrid, Bilbao ou Séville, le reste ressemble beaucoup l’Amérique. Mais ici en France non, une corrida en France, j’aime beaucoup parce que les personnes sont très respectueuses, c’est comme une pièce de théâtre et ça comme torero, j’aime beaucoup. Par exemple, je préfère toréais ici qu’à Pampelune, ou c’est difficile de se concentrer, parce que les gens s’amusent, à leur manière mais c’est totalement différent, une tarde à Pampelune et une à Vic-Fezensac ou qu’une au Mexique, ce sont trois choses différentes : au Mexique, les « Olé » sont très impressionnants, ici les applaudissements sont à la fin, au Mexique c’est à tous moments. Le toro n’est pas le même, l’exigence est autre, tous est différent. Mais il faut s’adapter, on ne peut pas être le même torero, il faut s’adapter à l’embestidas du toro qui est différente en Amérique, il faut s’adapter à l’exigence du public et également à ce que demande chaque arène. En France, il y a plus d’influence, je le vois bien, dans tous les tercios : le toro. La pique au Mexique s’oublie, les faenas sont plus longues, les personnes ont plus de patience sur cet aspect. Ici la pique est plus importante, et à la muleta, si le toro ne sert pas, il faut bien le lisier et le tuer. Au Mexique, les gens s’ennuient lors de ce tercio. La manière de voir les choses sont totalement différente, respectable les deux mais différentes.Michelito Corella

Il faut t'adapter quand tu toréais ici ?

 Oui et ce n’est pas facile. C’est plus facile adapter ta personnalité et ta manière de penser comme torero au Mexique, en France ou en Espagne que ta manière de toréer parce qu’au final si le toro possède de la condition et que tu fais les choses bien, il charge de la même façon, que ce soit ici ou là-bas. L’exigence du public varie d’un lieu à l’autre, et cela me demande du travail sur moi-même. Dimanche dernier au Mexique et aujourd’hui à Rion des Landes, c’est un autre monde, pour compléter il faut s’adapter et il faut dépasser cette chose.

Ta ganaderia favorite ?Michelito lagravere corella 6

Ici en Europe c’est difficile, je n’ai pas beaucoup toréé. De ce que j’ai toréé ici, j’ai pris le plus de plaisir avec un toro de Capea à Arles. Le toro de Virgen Maria à Samadet n’a pas été bravo mais avec beaucoup de qualités, très noble, il ressemblait beaucoup au toro mexicain, ce toro qui charge lentement. De ce que j’ai vu, j’aime beaucoup Victoriano del Rio, Victorino Martin, La Quinta. Miura par exemple, dans une arène comme Séville, j’aimerais en toréer une mais seulement dans une arène comme Séville ou Pampelune parce que ce sont des arènes de très grandes importances

15628650 1142134135893834 1219555087 oEt les deux toreros pour une corrida… José Garrido et Andrés Roca Rey… pour la corrida de Miura ?

Rire… Ils sont capables ! Ils ont beaucoup de technique. Roca Rey a un pouvoir incroyable ! c’est mon ami et je sais qu’il n’a aucun problème avec les encastes.

Photos : Joël Buravand, Jean Dos Santos, Kévin Laffargue

Merci à Michelito Lagravère d'avoir répondu à toutes nos questions. L'équipe Mundillo Taurino souhaite le meilleur pour la saison hivernale mexicaine de Michelito et espère le retrouver l'année prochaine en France.

Propos receuillis par Jean Dos Santos avec la complicité de Kévin Laffargue et Guillaume Barsacq

Date de dernière mise à jour : Lun 19 déc 2016